Je suis allée présenter les résultats des enquêtes éthique et TAL (on en parlait ici, l’article complet est ici) à une conférence bien connue du domaine, LREC (Language Resources and Evaluation Conference), en Slovénie.
J’avais en outre un papier accepté dans un atelier périphérique à la conférence centré sur l’éthique, ETHI-CA², qui a eu lieu le mardi précédent la conférence principale. L’ordre de succession de ces deux événements a son importance.
L’atelier était très intéressant, non seulement dans la variété des contenus présentés mais également du fait de la riche discussion qui a suivi. Les questions posées par le public de chercheurs étaient constructives et l’ambiance détendue. Nous nous sommes rencontrés, avons échangé des idées, des suggestions. Je suis sortie revigorée, pleine de beaux projets, des jolis petits poneys roses pleins les yeux.
La conférence principale, LREC, est immense, avec trois ou quatre sessions en parallèle, des posters dans tous les coins et plusieurs centaines de participants. La salle qui était dévolue à notre session était très grande et devait contenir plus d’une cinquantaine de personnes lors de ma présentation. L’ambiance n’était pas hostile, mais pas particulièrement intéressée non plus : la session n’était pas spécifiquement dédiée à l’éthique, mais plutôt à des thématiques générales (Language Resource Policies).
J’avais beaucoup préparé ma présentation (trop ?), voulant donner le plus de résultats dans les 15 minutes octroyées. Au final, je n’ai pas été formidable, et j’ai fini en avance. J’étais contente d’avoir plus de temps pour les questions. J’avais encore les petits poneys roses de l’atelier ETHICA² plein la tête.
Je m’étais préparée à répondre à des questions difficiles, mais j’avoue que la première m’a désarçonnée : « peux-tu nous citer un outil de TAL qui pose un problème éthique ? Je n’en vois pas » ….
J’ai évidemment tout de suite donné un exemple (le moteur de recherche de Google), mais pas le plus percutant. Puis j’ai donné celui des aides à la communication qui font régresser les utilisateurs (voir Anaïs Lefeuvre et al., dont la présentation est ici). Je n’ai cependant pas l’impression d’avoir convaincu.
Le deuxième intervenant a dit quelque chose que je n’ai pas pu bien entendre, mais qui tournait apparemment autour de l’affirmation que l’éthique était du domaine du citoyen et pas du chercheur. A ce moment-là, il n’y avait plus vraiment de temps pour répondre et j’ai dit quelque chose autour du fait qu’il fallait en discuter, mais mon temps était terminé.
Moralité : pas de petit poney rose dans la conférence principale !
Je suis sortie déçue de ma prestation, avec l’impression d’être passée à côté de quelque chose. Et pourtant… c’est bien à ces questions qu’il faut répondre pour faire avancer la prise de conscience, c’est bien à ces chercheurs, qui ne sont pas convaincus de l’intérêt de l’éthique dans le TAL, qu’il faut parler.
Aussi.
C’est pour éviter l’effet petits poneys qu’il faut aborder l’éthique dans la conférence principale, et pas seulement dans des ateliers, même si ceux-ci sont indispensables (ne serait-ce que pour ne pas sombrer dans l’alcool en sortant d’une telle session !).
Au final, j’ai obtenu suite à cette présentation que l’appel général de la prochaine conférence LREC, en 2018, contienne un paragraphe sur l’éthique. Cette fois je serai prête et je laisserai les petits poneys au vestiaire ! Et si vous envoyez un papier sur le sujet, je serai là, dans le public, et je vous poserai une question, promis.
La deuxième question était effectivement troublante, voire choquante. Dans les grands lignes, après que tu as proposé que l’éthique soit dans les thèmes des appels des conférences, le propos était : « mais si l’on fait ça, il faut aussi ajouter les questions religieuses, les questions philosophiques, etc. Ce n’est pas notre boulot ».
Comme si se poser la question de savoir ce que l’on fait, en tant que chercheur, en tant que citoyen, devait être écarté !
Moi je croyais que les poneys avaient des ailes et étaient dorés !
Je crains que la question ne soit de trouver des applications du TAL qui ne posent pas de problème d’éthique. Dans les derniers exemples que j’ai rencontré : le sentiment analysis sur twitter utilisé pour identifier la dépression, (un problème ? non je ne vois pas. D’autres exemples ?